
Cet après-midi, mes yeux se posent sur ces mots : “Je suis une patate qui croit en toi!” Ils sont inscrits sur une mini pancarte, portée par une jolie petite patate brodée toute mignonne, offerte par mon conjoint.
Pas de chance, je suis d’humeur morose. Je crois que cette minuscule patate croit en moi bien plus que quiconque, moi la première. Son sourire que je trouvais si charmant me sort par les yeux. Si j’ai pu, en des jours plus lumineux et empreints d’espoir, lui faire des bisous doux, ce n’est pas le cas aujourd’hui. J’ai une furieuse envie de lui tirer les fils, et la détricoter jusqu’à ce que œil et pancarte s’envolent en éclat.
Quand je n’ai pas la patate
Et sinon, ça va? Ahah, il faut croire que non. Pas aujourd’hui, déjà.
Je repense souvent à Etienne Chatiliez, car non, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Il y a des jours où je gravis des montagnes et d’autres, un peu plus nombreux, où je sors le piolet pour monter un mètre sur ce qui semble être un mur d’escalade, et je retombe à terre. Et en ce moment, je mords souvent la poussière.
Bon sang, elle est passée où cette énergie que j’avais il y a quoi… dix ans? J’avais l’impression que je pouvais avancer sans me poser de questions, que tout allait de toute façon bien se passer. Je cumulais deux activités professionnelles et un bon matelas à la fin du mois, de quoi m’endormir sans insomnie. J’étais compétente dans ce que je faisais, et surtout j’étais utile. Que demander de plus? Ok, j’étais aussi débordée et je râlais, mais mon énergie faisait le job.
Mais en 2022, j’ai quitté le salariat pour de bon, avec une énorme envie de faire mes preuves dans de nouvelles activités en freelance. Sauf que, scoop du jour, ce n’est pas toujours facile. Il faut quand même avoir le cuir solide pour s’en sortir sans montées de stress tous les quatre matins. Et puis moi, je ne suis pas du genre à m’angoisser pour rien, n’est-ce pas?
Moi, la tortue face au lièvre IA
Déjà, ma première bonne idée -sarcasme- a été de me lancer dans une formation de rédaction web. Parce qu’écrire, c’est dans mes gènes et dans mes “j’aime”. Une fois ma formation validée, voilà que ChatGPT et consorts débarquent sur la scène et me narguent avec leur écriture de dix pages en quatre secondes, recherches comprises, pertinence, analyses et orthographe parfaites.
Qu’à cela ne tienne, Capitaine IA, tu n’as pas mon humour, ma couleur, ma sensibilité. Et puis, qu’est-ce que tu peux être pompeux, avec tes mots qui sentent à plein nez la bienveillance des retraites de yoga! Au secours, on veut du vrai, de l’originalité, des accroches certes un peu poussives, mais qui sentent la vie, la vraie.
Et puis qu’est-ce que tu bois! Un demi litre d’eau à chaque fois qu’on te pose une question, pour rafraîchir les serveurs dans lesquels tu stockes tes données; tu as la gorge sacrément desséchée! Alors que moi, au bout de 50 questions, un verre de Chardonnay me suffit.
Tu es un lièvre : pour toi, un bon coup de prompt et c’est parti, tu dévoiles à toute vitesse ta prose, et l’utilisateur prompte à nouveau pour corriger et corriger jusqu’à son idéal. Je suis une tortue : j’observe, je dialogue, je m’imprègne de l’univers du client, et dégaine un texte seulement quand tout est bien calé en amont. Sauf que contrairement à la fable, j’ai l’impression qu’ici c’est le lièvre qui passe la ligne d’arrivée en premier, même s’il laisse derrière lui un bon tas de poussière.
Diantre, je m’égare
(Note à ChatGPT : le mot diantre est certes désuet, mais il donne un petit côté décalé sympathique dans ce genre de post. prends note).
Revenons à ma mauvaise humeur du jour. Je broie du noir, parce que mon activité n’est pas facile à mettre en avant. Surtout quand, comme moi, on est plutôt du genre à essayer de se cacher derrière un poteau plutôt que de monter sur la scène. Qu’on abrite un joli syndrome de l’imposteur. Et qu’on n’a pas fait les études imposées dans tous les postes pour un profil de rédacteur recherché par France Travail.
Me voilà donc à tourner en rond, sans trop savoir par où aller, pour trouver ma place dans cet univers de l’écrit. Et pour faire mon chemin, même si bien sûr, il ne sera jamais droit et sans cailloux. Parfois je me lève et je me dis “à quoi bon?”. J’ai 50 ans, des cheveux blancs, personne ne va s’adresser à moi pour un contrat d’écriture. Alors revient mon envie furieuse de tirer les fils et de détricoter ma si jolie patate positive qui “croit en moi”, elle.
Mais je ne le ferai pas parce que demain, ça ira sûrement mieux, et j’avancerai un peu plus dans le positionnement de mon activité. Je relirai ce texte et je me marrerai.
Mon chat a mis la pâtée à cette patate positive, je t’enverrai la photo quand tu auras envie de la détricoter à nouveau 🤣 En attendant, je t’envoie plein de bonnes ondes ✨
Entreprendre, c’est accepter les jours de doute, mais aussi célébrer la force tranquille de la tortue qui avance à son rythme. Tu as bien plus que des cheveux blancs : tu as une plume singulière, une profondeur et une expérience que personne ne peut copier. Et ça, c’est ta vraie richesse.